Les compléments alimentaires


I.  Pourquoi faut-il se préparer à échanger au sujet des compléments alimentaires avec les propriétaires ?

Les compléments alimentaires pour animaux de compagnie ont connu une croissance rapide et significative ces dernières années, soutenue par la perception des bénéfices potentiels pour la santé et l'amélioration du bien-être des animaux. Il existe aujourd'hui de nombreux produits parmi lesquels les propriétaires peuvent choisir, disponibles par le biais de différents canaux et sous différentes formes. Pour les propriétaires, donner un complément alimentaire à leur animal c'est en faveur de la santé de celui çi. Mais cela est-il une bonne approche ?

 

Lorsque l’animal reçoit une alimentation complète, saine et équilibré, a-t-il réellement besoin de compléments alimentaires ?

Etant donné que les clients d'un vétérinaire sur deux posent des questions sur les compléments alimentaires1, il est important que les vétérinaires et les ASV soient préts à avoir ce type de discussion. Voici quelques éléments pour être en mesure de répondre aux questions des propriétaires.


II.  Que sont les compléments alimentaires et comment sont-ils réglementés ?

 

Selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments2, les compléments alimentaires sont des sources concentrées de nutriments, (minéraux, vitamines ou toute autre substance ayant un effet nutritionnel ou physiologique, comme les acides aminés, les acides gras essentiels, les fibres et divers extraits de plantes médicinales). Ils doivent être administrés en complément de l'alimentation de l'animal. selon les recommandations indiquées par le fabricant.

Selon la réglementation européenne, les compléments alimentaires sont considérés comme étant des aliments. Cela a une implication très claire : ne sont pas des médicaments, car ils ne guérissent pas ne traitent pas et n’ont pas de bénéfices préventifs.

Les compléments alimentaires vétérinaires n'étant pas soumis à la même réglementation que les médicaments, cela signifie qu'il n’est pas nécessaire d’apporter une quelconque preuve d'efficacité avant de les mettre sur le marché3. Toutefois, la législation européenne sur les aliments pour animaux de compagnie réglemente les allégations fonctionnelles portant sur les avantages pour la santé qui vont au-delà des besoins nutritionnels. Tout aliment pour animaux de compagnie destiné à des fins nutritionnelles particulières (aliments « diététiques », par exemple pour « soutenir la fonction rénale en cas d'insuffisance rénale chronique » ou « soutenir le métabolisme des articulations en cas d'arthrose ») doit être conforme à la législation spécifique sur les PARNUTS c'est-à-dire les aliments destinés à des fins nutritionnelles particulières). Il incombe au fabricant de veiller à ce qu'un complément alimentaire mis sur le marché soit sûr. Les études systématiques sont encore rares, ce qui rend difficile l'évaluation des produits existants et la prise de décisions éclairées à leur sujet3.


III.  L'importance d'une alimentation complète et équilibrée.

 

Si un chien ou un chat est nourri avec une alimentation complète et équilibrée, adaptée à son stade de vie et/ou à son état de santé, théoriquement, il ne devrait pas avoir besoin de complément alimentaire fournissant des nutriments supplémentaires. Une alimentation complète, lorsqu'elle est administrée correctement selon les recommandations du fabricant, est nécessaire pour répondre à tous les besoins nutritionnels, y compris des minéraux et des vitamines, adaptés au stade de vie ou à l'état de santé de l'animal pour lequel elle a été conçue4. En cas d’évolution dans l’état de santé de l'animal, une autre alimentation appropriée doit être choisie. Tout apport supplémentaire, par exemple sous forme de complément alimentaire, pourrait entraîner un dépassement des doses quotidiennes recommandées et être toxique pour l'animal. Le non-respect des besoins nutritionnels d'un animal peut entraîner diverses pathologies (obésité, malnutrition, maladies rénales, gastro-intestinales ou dentaires.

Cela dit, choisir le bon régime alimentaire pour un animal de compagnie peut être complexe et difficile.

Alors si en théorie, donner un complément alimentaire à un animal qui suit un régime complet et équilibré, n'est pas nécessaire pour lui fournir les nutriments dont il a besoin, dans la pratique, un vétérinaire doit etre en mesure de conseiller le propriétaire de l'animal en s'appuyant sur des preuves scientifiques solides et d'engager une discussion ouverte pour l'aider à prendre des décisions éclairées. 


IV.  Recommander des suppléments alimentaires dans le cadre des soins contextualisés.

Les vétérinaires sont les mieux placés pour conseiller les propriétaires d'animaux sur le besoin potentiel de suppléments alimentaires. En effet, un vétérinaire sur deux recommande régulièrement des nutraceutiques à ses patients. La plupart du temps, cela se fait à la demande des propriétaires d'animaux (78 %) ou avant l'apparition d'une maladie (73 %).

Si un propriétaire d'animal souhaite un supplément alimentaire, la première chose à examiner est l'alimentation actuelle et la raison pour laquelle le propriétaire désire un supplément.

  • Si l'animal suit un régime complet et équilibré de qualité premium : il ne devrait pas être nécessaire de lui donner des suppléments alimentaires, car l'alimentation couvre tous ses besoins nutritionnels.
  • Si l'animal est nourri avec un régime déséquilibré, qu'il s'agisse de nourriture pour animaux de qualité inférieure ou d'un régime fait maison : il serait conseillé de passer à une alimentation plus adéquate et de meilleure qualité.
  • Si la demande de supplément alimentaire est liée à un signe clinique qui alerte le propriétaire sur l'état de santé de son animal : cette condition médicale doit être correctement investiguée, diagnostiquée et traitée par le vétérinaire.

 

La recommandation de compléments alimentaires doit se faire dans le cadre de soins contextualisés. Les produits à base d'acides gras oméga-3 et de glucosamine/chondroïtine sont les produits nutraceutiques les plus fréquemment recommandés aux clients1 (respectivement 94% et 93%) par les vétérinaires, suivis par les multivitamines (24%) ou les vitamines spécifiques (30%). En effet, l'affection pour laquelle les vétérinaires estiment que les nutraceutiques pourraient être les plus utiles est l'arthrose, suivie de près par les maladies dermatologiques et gastro-intestinales1.  

Les compléments alimentaires pour animaux peuvent également être utilisés en complément d'une approche thérapeutique solide, en particulier dans le contexte spécifique des affections chroniques telles que la dermatite atopique ou l'insuffisance rénale, où un traitement à long terme et des mesures environnementales sont mis en place. L'utilisation de compléments alimentaires dans des cas spécifiques et sur instruction du vétérinaire peut être un moyen d'impliquer les propriétaires d'animaux.


V.  Choisir un complément alimentaire pour animaux.

 

Le choix d'un complément alimentaire doit se faire avec précaution, et seuls les produits qui ont été utilisés dans le cadre d'essais cliniques évalués par des pairs doivent être privilégiés. L'efficacité, la sécurité et la qualité doivent être les principaux critères de choix d'un complément alimentaire (Elrod,2019). Cependant, en raison de la multitude de produits disponibles et de l'absence de cadre réglementaire, ces données peuvent être difficiles à trouver. Il y a actuellement un manque de données sur le contrôle de la qualité, la sécurité et l'efficacité de la plupart des substances commercialisées dans les compléments5, ce qui complique la prise de décisions éclairées. Il est indispensable de disposer de plus de preuves pour soutenir les allégations de sécurité, d'efficacité et de qualité.

L'efficacité peut parfois être difficile à prouver sur la base de données scientifiques. Les allégations d'efficacité de nombreux compléments alimentaires sont souvent fondées sur des méthodes d'évaluation subjectives et non rigoureuses, telles que les témoignages, et doivent donc être considérées avec précaution5.

L' efficacité scientifique des acides gras polyinsaturés, en particulier des oméga-3 sont bien reconnue. Mais mis à part pour ces compléments, il n'existe pas d'autres preuves scientifiques. Il existe, par exemple, des études contradictoires sur l'efficacité des compléments à base de chondroïtine / glucosamine. Malgré la preuve de l’efficacité d'effets anti-inflammatoires in-vitro sur les articulations de ces compléments7, certaines études suggérent que ces produits ne devraient plus être recommandés pour la gestion de la douleur dans l'arthrose canine et féline6. La rareté des études cliniques vétérinaires bien conçues, investiguant le véritable effet thérapeutique de la glucosamine et de la chondroïtine8, souligne la nécessité de poursuivre les recherches pour clarifier les bénéfices cliniques potentiels de l'utilisation de ces agents.

Les compléments alimentaires peuvent être utilisés pour fournir des nutriments intéressants, cependant, certaines alimentations complètes peuvent en contenir. Lorsqu'on envisage l'utilisation d'un complément alimentaire, il est crucial d'évaluer non seulement la quantité de nutriments dans le complément par rapport à la dose efficace prouvée nécessaire pour obtenir les bienfaits revendiqués, mais aussi de prendre en compte les quantités qui peuvent déjà être présentes dans l'alimentation.


VI.  Conclusion.

Malgré le manque de preuves scientifiques solides publiées sur la sécurité, la qualité et l'efficacité des compléments alimentaires pour animaux, leur popularité a récemment explosé. Il est essentiel que les propriétaires d'animaux et les vétérinaires aient accès à des sources d'information scientifiques fiables et impartiales pour prendre des décisions éclairées sur les produits qu'ils souhaitent utiliser. Les compléments alimentaires pour animaux peuvent parfois être utilisés dans des situations spécifiques, sur recommandation du vétérinaire. Ils doivent être soigneusement sélectionnés auprès de fabricants réputés, en se basant sur les données scientifiques publiées disponibles, et être intégrés dans un cadre de soins contextualisés.

 

  1. Elrod SM, Hofmeister EH. Veterinarians' attitudes towards use of nutraceuticals. Can J Vet Res. 2019 Oct;83(4):291-297. PMID: 31571730; PMCID: PMC6753883.
  2. Food Supplements. European Food Safety Authority. https://www.efsa.europa.eu/en/topics/topic/food-supplements. Consulted Sept 10th 2024.
  3. Williams, P.; Pettitt, R. Nutraceutical use in osteoarthritic canines: A review. Companion Anim. 2021, 26, 1–5.
  4. BVA companion animal feeding working group report. July 2024. https://www.bva.co.uk/media/5999/bva-companion-animal-feeding-working-group-report.pdf
  5. Finno CJ. Veterinary Pet Supplements and Nutraceuticals. Nutr Today. 2020 Mar-Apr;55(2):97-101. doi: 10.1097/nt.0000000000000399. PMID: 33446942; PMCID: PMC7802882.
  6. Barbeau-Grégoire M, Otis C, Cournoyer A, Moreau M, Lussier B, Troncy E. A 2022 Systematic Review and Meta-Analysis of Enriched Therapeutic Diets and Nutraceuticals in Canine and Feline Osteoarthritis. Int J Mol Sci. 2022 Sep 8;23(18):10384. doi: 10.3390/ijms231810384. PMID: 36142319; PMCID: PMC9499673.
  7. Deal CL, Moskowitz RW. Nutraceuticals as therapeutic agents in osteoarthritis. The role of glucosamine, chondroitin sulfate, and collagen hydrolysate. Rheum Dis Clin North Am. 1999 May;25(2):379-95. doi: 10.1016/s0889-857x(05)70074-0. PMID: 10356424.
  8. Bhathal A, Spryszak M, Louizos C, Frankel G. Glucosamine and chondroitin use in canines for osteoarthritis: A review. Open Vet J. 2017;7(1):36-49. doi: 10.4314/ovj.v7i1.6. Epub 2017 Feb 24. PMID: 28331832; PMCID: PMC5356289.
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